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Saladin Sane
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2 avril 2009

REFLEXIONS RECREATIVES SUR LES RAISONS DE LA CRISE ET DU KRACH

                                    

La crise est là. Elle s’est pourtant bien faite attendre, après des mois de mauvaise foi, alors qu’un bataillon d’économistes et autres spécialistes autoproclamés s’évertuaient à  relativiser le krach, proclamant indignés que tout cela n’avait rien à voir avec1929, que les faillites à répétition et l’accroissement abyssal du déficit américain n’étaient que péripéties passagères. Mais la voici enfin, la crise. Omniprésente dans nos médias qui prolifèrent en débats d’experts commentant les aléas de l’économie mondialisée à coup de graphes et de chiffres. L’investisseur se fait des sueurs froides, la ménagère de plus ou moins cinquante ans cogite pouvoir d’achat, et l’infinie cohorte des néophytes –au rang desquels bien des hommes politiques – a l’occasion inespérée de combler ses lacunes en science éco.

Moi-même néophyte, je me suis d’abord dit que je n’étais pas le mieux placé pour aborder le sujet, et que – malgré mes velléités de touche-à-tout - j’avais besoin d’en apprendre plus et d’attendre, et que mon ambitieux projet allait rejoindre quelques dizaines d’autres articles inachevés, dans ce que les journalistes appellent leur « frigo »Je pouvais défendre le simple droit de chacun à s’exprimer, à la Coluche : « c’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule »… Hélas! Pareil humour serait déplacé dans le contexte dramatique qui est le nôtre. Le problème n’était pas tant la pauvreté –après tout une large partie de l’humanité vit depuis longtemps déjà  avec moins de deux dollars par jour, « seuil de pauvreté monétaire » selon l’ONU – que la dégradation du niveau de vie au cœur de ceux qu’on osera bientôt plus appeler les « pays riches ». Et nombreux sont les signes qui font froid dans le dos.

C’est d’abord 49% des français qui déclarent qu’ils dépenseront moins pour Noël (sondage Ifop des 27 et 28 novembre). Et, selon le Libé du 13 décembre, les restaurants et spectacles comptent aussi parmi les victimes de la crise, alors que nos compatriotes sont de plus en plus contraints de faire eux-mêmes la cuisine pour leurs amis et de se contenter du home cinéma familial ! Et Valérie Accary - présidente d’une agence de pub interviewé par le même journal - de s’émouvoir sur les femmes « qui sont plus dans les achats plaisir (…) Ce sont elles qui ressentent le plus de frustration ».
« Frustration », le mot parait faible devant ce qu’éprouve aujourd’hui la reine Elisabeth d’Angleterre depuis le Krach - selon une info du Sunday Times reprise dans France Dimanche du 05/12/08. Car la malheureuse y a perdu la bagatelle de 30 millions d’euros ! Les conséquences ne se sont pas faites attendre, Sa Majesté renonçant à la robe de fête qu’elle s’offre d’ordinaire pour Noël, ainsi qu’aux fleurs tropicales et légumes rares ornant d’ordinaire la table de la salle à manger du château de Sandringham, troqués pour de vulgaires choux, carottes et autres navets.
Si les consommateurs de navets ont de beaux jours devant eux, ceux du caviar passent des moments difficiles, et Alexandra Michot (Le Figaro 13/12/08) de tirer la sonnette d’alarme : « il y a dix ans, un néophyte savait nommer les trois seules appellations de caviar (…) aujourd’hui la donne est plus complexe » Car la pollution de la mer Caspienne est passée par là, qui a provoqué l’épuisement des stocks d’esturgeon. Et dans ce contexte de crise,  nombre d’ex-privilégiés se voient contraints de renoncer au seul vrai caviar, celui des puristes, le caviar sauvage  (dont les prix, décuplés en dix ans, atteignent 1650 euros le kilo)  pour se rabattre sur celui d’élevage. N’imite plus James Bond qui veut, et gageons que le caviar beluga (son préféré – associé à la vodka) n’orne déjà plus la table de notre pauvre Elisabeth…
Du côté automobile, la situation n’est guère plus reluisante, avec le retrait d’Honda de la Formule 1 annoncé le 5 décembre dernier, et un stand by de 5 semaines prévu chez Rolls-Royce début 2009, ainsi que la suppression de 40 postes d’intérimaires

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, voilà que nos classes aisées ne doivent plus seulement limiter leur accès au luxe, mais aussi se cacher de ces classes envieuses, classes laborieuses. Comme en témoigne une consommatrice indignée au New York Times –repris par le Figaro du 27/12 – « aujourd’hui il est absolument indécent de se promener dans la rue avec des sacs griffés remplis d’emplettes ». Et le journal de citer la polémique américaine du moment, celle de l’épouse de l’ancien PDG de Lehman Brothers, qui, après un achat de trois couvertures à 2225 dollars, avait demandé aux vendeurs d’ Hermes de remplacer leurs sacs de transport habituels (oranges vifs) par un emballage blanc plus discret.
C’est ainsi qu’à Manhattan se multiplient les opérations « vente secrète », fonctionnant par parrainage et mailing-list ultra-confidentielle, se déroulant même parfois… à domicile. Imaginons bientôt les vendeurs spécialisés et autres stylistes privés  rejoignant l’appartement des clients en toute discrétion, fébriles, se retournant sans cesse, cherchant s’ils n’ont pas été suivis. Sex and the city rejoint la cannabis-party – Dealers et bourgeois même combat !

Mais tout n’est pas noir dans les perspectives de l’industrie du luxe, si l’on en croit le site crises-en-thèmes (http://blog.pressebook.fr/criseentheme), qui, s’il évoque une éventuelle récession de cette industrie pour 2009, prévoit une croissance des biens de luxe de l’ordre de  20% à 35% au cours des 5 prochaines années pour les pays… plus pauvres (Inde, Chine, Brésil, Russie). Ou comment mieux comprendre le concept de pays émergeant.

Si l’humour est nécessaire ici, ce n’est pas uniquement dans le but de singer le traitement médiatique d’une crise qui souvent apeure moins les riches qu’elle n’appauvrit les autres ; c’est aussi par pédagogie : aider à  la compréhension de l’économie et combattre le cliché d’une discipline aride, formaliste et froide.
Car je me rappelle des réflexions sceptiques de quelques amis lorsque je leur ai dit que je voulait écrire un gros article sur la crise financière actuelle : « pourquoi écrire un truc de plus après tout ce qu’on se tape en ce moment ?! » (Morphoex) « Tout ça c’est pas mon monde… » (Colonel Dan), etc.

On pourrait y voir un défi, dans la lignée orgueilleuse d’un Dostoïevski, auteur de cette superbe phrase : « je choisis  toujours des sujets au dessus de mes forces » - ce qui est sûrement vrai, mais qui j’espère m’amènera moins de critiques sur mon immodestie que d’indulgence de la part des experts qui me feront l’honneur de me lire.

Et puis surtout, la crise actuelle est un phénomène global : si les médias l’incarnent surtout dans l’économie – et plus encore dans la finance – on la déterminera d’autant mieux que l’on explorera les disciplines les plus variées – au risque de paraître incongru à certains d’entre vous. C’est ainsi que je suis allé lire, observer ou interviewer l’homme de la rue, le dentiste, le biologiste, l’astrologue, le cinéaste, le sociologue, le psy, l’ex-tradeur devenu moine, le géopoliticien et… un économiste.

A suivre…

       Saladin Sane

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