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Saladin Sane
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6 juin 2011

De la drogue et du travail chez les « assistés » et autres professions respectables

A une journée d’intervalle, Libération consacre sa une à la légalisation des drogues - exergue pochon d’herbe verdoyante à faire frémir d’envie n’importe quel amateur de fumette - tandis que Le Figaro s’alarme de « la France des assistés » -  un dormeur mal rasé dans son hamac bleu blanc rouge illustrant le propos. 

La consommation de drogue est en augmentation malgré les énormes investissements répressifs de ces dernières années, d’où la nécessité d’une évolution législative, prônent de concert la Commission mondiale sur la politique des drogues et Libé, soutien traditionnel de l’appel du 18 joint.

Le Figaro de son côté ironise sur les " canapés ", "ces demandeurs d’emploi qui ne demandent plus grand-chose, sinon de rester chez eux devant la télévision (…) leur univers se résume à un gros sofa face à un immense écran plat qui ronronne en permanence pour meubler la solitude " ( pas sûr que les chômeurs longue durée bénéficient si souvent de ces écrans plats géants coutumiers des pages conso du Figaro mais passons…)

Ces deux clichés de l’opposition gauche / droite (à quelques exceptions près)  étaient l’occasion de réviser quelques  grandes théories liant travail et drogues :

 

1 – la drogue encourage la paresse des chômeurs et autres RSA-addicted ?

Souvent mis en avant à propos du consommateur quotidien de cannabis. Les scientifiques parlent de « syndrome amotivationnel » - les gens normaux de glande. C’est oublier un peu vite la planification rigoureuse exigée par une consommation quotidienne en contexte de pénalisation : gestion des pénuries, rendez-vous avec le(s) dealer(s), recherche des meilleures variétés, voyages à l’étranger (La Hollande reste très prisée pour peu de temps encore), culture d’appartement et compétences techniques pointues (hydroponie, etc.) Retouché sur photoshop, le hamac du Figaro ne comporte plus le moindre trou de boulette.

2 - La drogue soulage le travail pénible ?

On songera à Zola et à l'alcoolisme du milieu ouvrier au XIXe. Aujourd'hui la drogue envahit le milieu du travail si l'on en croît Le Figaro. Evitant de nombreux drames professionnels, la drogue serait d'utilité publique, notamment concernant les homicides patronaux

3 - Dealer, une profession lucrative ?

Vous avez beaucoup de sang-froid, êtes organisé et lucide (donc clean) : Dealer en gros peut vous rendre riche. Le métier comporte en outre l'avantage non négligeable d'être une profession illégale non taxée - ce dont même le plus vieux métier du monde ne peut se targuer. Dans le cas contraire, ne rêvez pas : la plupart des dealers vivent chez leur maman.  

4 - A chaque profession sa drogue ?

 L'idée a vécu. L'héroïnomane n'est plus ce marginal glauque adepte du fix : aujourd'hui il sniffe et travaille. La cocaïne dépasse nettement son milieu originel, show-bizz et politique - son prix est beaucoup plus abordable. Le cannabis est en passe de devenir aussi démocratique que l'alcool. 

5 - Les artistes sont de grands drogués?

Stimuler l'imagination par les drogues n'est pas absurde : mais l'imagination n'est qu'une qualité parmi celles nécessaires à l'accomplissement d'une oeuvre. Balzac se "shootait" au café : terme approprié tant sa recette était concentrée. Michaux écrit sous hallucinogène. Baudelaire publie "Du vin et du haschisch, comparés comme moyens de multiplication de l'individualité". Ses faveurs vont au sang christique mais surtout à l'ivresse : "Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous ennivrer sans trêve. Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous."

Prospective...

Dans une perspective d'efficacité, la drogue n'est toujours qu'une solution imparfaite, parfois adaptée hic et nunc. Elle reste un agent dirigé grossièrement vers une cible mais qui en atteint plusieurs : celle recherchée... et d'autres, déclenchant des effets secondaires plus ou moins indésirables. Une amélioration viendra peut-être des nootropes ou "drogues intelligentes". 

Reste plus généralement la question de la légalisation. Deux théories s'opposent :

-L'économie est en crise et les crises s'accompagnent souvent d'un retour à l'ordre moral et de sa recherche de bouc émissaires. Dans cette optique la diabolisation de la drogue est à craindre (voir par exemple le psychiatre Thomas Szasz et sa persécution rituelle du drogué). 

-L'économie est en crise... d'où un besoin criant de nouvelles recettes pour des gouvernements aux déficits monstrueux et inégalés dans l'histoire. Un assouplissement législatif diminuerait les gigantesques coûts du tout répressif tout en profitant de la taxation des substances. Signe des temps? Au sein du pays emblème de la lutte anti-drogue, la Californie se dirige de plus en plus vers ce nouveau modèle. Le parralèle avec les années 30 est instructif : la crise de 29 est une cause directe de la fin de la prohibition quatre ans plus tard. 

En attendant, l'ivresse des chiffre guète tout observateur de  l'horloge des drogues... 

 

  Saladin Sane 

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