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Saladin Sane
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Saladin Sane
10 mai 2009

slips, obésité et espionnage

Voici le troisième épisode de mon "week-end rose" parisien de janvier dernier. Après d'édifiantes découvertes sur les sous-vêtements masculins puis sur l'obésité, je rencontre un ex-espion des renseignements généraux.

17 janvier - Afin de me remettre de mon entrevue avec la porte de Technikart, je décide de rester dans le quartier Bastille, et achète Le Monde que je pars feuilleter dans un bar...


Petit intermède journalistique

 

« ¾ des acheteurs de sous-vêtements masculins sont… des femmes » lis-je. Mais les conjointes choisissent des modèles moins chers et sexy que ne le feraient les hommes s’ils achetaient eux-mêmes leurs sous-vêtements - elles se contentent souvent de modèles bas de gamme du supermarché. « Les françaises voudraient-elles empêcher leurs hommes d’être attractifs ? » s’interroge la journaliste. On apprend que « les hommes, quand ils s’intéressent à leurs dessous, se font plaisir, comme les filles avec la lingerie. » Et attention au style ! Car la mode est au « slip blanc ultraconventionnel », au « slip kangourou (…) jaune, vert, rose ou violet flashy », au « boxers (…) imprimés de fraises ou de lapins design ». Pauvre mâle des temps modernes, étouffé entre mémère et mode vulgaire, entre mec au look supérette et métrosexuel à lingerie coquette…


Mais il y avait plus grave que les dessus phalliques du mâle occidental : la malbouffe. Page 4 : « L’obésité, nouveau fléau des pays émergents ». J’apprends avec horreur que 20% des ados chinois des grandes villes sont obèses. Il faut dire que mon rapport à la culture chinoise est particulier, je connais bien la fabuleuse cuisine de l’Empire du milieu dont mon amie Yi – qui jamais n’aurait osé acheter mes sous-vêtements au supermarché – me régala durant les mois où nous étions ensemble. Nourriture somptueuse et équilibrée que j'aimais systématiquement - jusqu'à l'étonner parfois. En Chine, d’après Le Monde, près du quart de la population est en surpoids, adeptes qu’elle est des fast-foods. Spectacle triste que celui du clown Mac Do, distrayant les enfants pour mieux les préparer aux gesticulations plus aseptisées du personnel médical. A noter que Yi, apprenant plus tard ces statistiques par ma bouche, les trouvera fort exagérées.



J’interrompt ma lecture devant l’arrivée du café, accompagné d’une de ces amandes enrobées de chocolat qui complètent si bien le goût du petit noir.

Je poursuis l’article avec la « transition nutritionnelle » que connaissent tous les pays émergents lorsqu’ils accèdent à une nourriture plus riche et calorique, et qui s’accompagne toujours de grands problèmes d’obésité. En somme pour être svelte il fallait surtout éviter de sortir d’un milieu pauvre qui avait soudain accès à la nourriture trop riche des nouveaux riches. Il valait mieux rester pauvre… ou riche. Comment ne pas donner raison aux conservateurs?

 

Retour à la vie réelle

 

C’est alors que je capte des brides de conversation d’une table à ma droite. L’homme monopolise la parole : « fais attention (…) fichage (…) tu sais quand j’étais aux renseignements généraux… » adresse-t-il à la femme qui lui fait face. « Les renseignements généraux » - RG pour les intimes. Ancienne section policière réputée de l’espionnage français, officiellement chargée de prévenir les « atteintes à la sûreté de l’Etat ». Vu ma passion pour le sujet, je me concentre afin d’entendre mieux mais l’éloignement de la table me fait comprendre toutes les limites d’une banale oreille humaine.

En attendant d’investir dans un micro-espion, il me faut me rapprocher d’une manière ou d’une autre. Je repense à ce que me disait Xavier la veille, lorsqu’il m’évoquait son moyen de trouver l’inspiration pour ses nouvelles : taper la tchatche avec les inconnus dans les bars.

Alors je décide d’y aller au culot et je m’incruste… « Excusez-moi, vous allez me trouver très impoli mais je suis écrivain et je vous ai entendu évoquer un sujet qui me tiens beaucoup à cœur, l’espionnage et les renseignements généraux. Est-ce que je peux m’asseoir avec vous et peut-être avoir deux, trois anecdotes ? » Voilà, à la virgule près ou presque, comment j’aborde mes inconnus.


Surpris, l’homme acquiesce. Les deux se mettent à sourire et me mettent très à l’aise. La femme me demande sur quoi j’écris exactement. Je tends ma carte de visite, je dis que je bosse sur toutes sortes de sujets, j’en énumère quelques uns. « Ma carte est pas terrible et j’ai pas encore beaucoup d’articles mais… elle m’interrompt : « il ne faut jamais dire ça, VOUS DEVEZ VOUS VENDRE ET DIRE QUE VOUS ETES EXTRAORDINAIRE ! Et Saladin Sane, c’est votre nom ? » Je souris. « Non c’est une référence à David Bowie et à son personnage d’Aladdin Sane ». Elle évoque le talent du chanteur d’un ton élogieux - et son « ambiguïté sexuelle ». L’homme intervient et sort une anecdote croustillante qu’il vient d’apprendre sur Boy George, autre icône des années 80, qui a fait des siennes dernièrement : la star est en prison après avoir séquestré un escort-boy invité pour une séance de photo qui a rapidement tourné au menottage.      

 

Puis il me demande ce qui m’a amené à m’intéresser à l’espionnage. Je résume mon cheminement : guerre d’Irak, magouilles diplomatiques,  terrorisme, et, de fil en aiguille espionnage économique, industriel et militaire… Et je raconte cette histoire qui m’avait fascinée à l’époque, racontée par un ami toulousain. Un pote à lui, appelons le Pierre, rend service à un mec des renseignements généraux. Pour le remercier, ce dernier accepte de montrer à Pierre l’efficacité de cette police secrète. Il lui fournit donc un épais dossier qui résume TOUTE sa vie jusqu’aux détails les plus hallucinants : copains de l’école primaire, petites amies, sports pratiqués, notes, clubs fréquentés, détails familiaux, photographies…


Je demande donc à XX si cette histoire est crédible. Il me confirme que oui, et qu’au moment où il a été accepté aux RG (où il dit ne plus travailler) on lui a mis entre les mains son propre dossier, dont la profusion de détails l’avait estomaqué.

Mais ça ne signifie pas pour autant que chaque français est fiché jusque dans ses moindres faits et gestes. Je demande à XX si je serai automatiquement fiché quand j’évoquerai ces sujets qui me tiennent à coeur comme l’islamisme radical, le terrorisme ou certains détails des techniques d’espionnage. Il me répond que non, que cela dépend aussi de la notoriété qu’auront mes écrits. XX précise qu’on est fiché par son profil autant que par celui des personnes « sensibles » qu’on a pu fréquenter : militants extrémistes de droite ou de gauche - ou du centre quand j’ai appris depuis peu que Jean-François Kahn se définissait comme « révolutionnaire du centre »(!) - casiers judiciaires, etc. Les RG ne dressent pas de procès verbal, ils en restent à la collecte d’informations.

Et je me rappelle cette phrase surprenante et riche d’interprétation qu’il m’adresse : « Oh et puis moi vous savez j’aime trop la vie pour me sacrifier pour une cause… »


Les minutes passent. Je propose d’offrir un verre, mais la femme doit partir et XX la raccompagne. Il me demande si je suis souvent dans le coin. « Non, malheureusement, mais n’hésitez pas à me contacter par mail, etc. » Il s’approche alors et me lance « je vais vous donner un tuyau intéressant, à vous qui êtes prêt à collecter des infos dans les bars. Allez faire un tour du côté de la place Beauvau, près du ministère de l’intérieur. Métro Miromesnil. Les gens y boivent des coups et discutent d’affaires d’état en toute indiscrétion. C’est assez surprenant parfois… » Je remercie, enthousiaste, cet homme au renseignement généreux. XX et sa compagne me tendent la main, tout sourire, « à bientôt peut-être ».

Depuis 2008 les renseignements Généraux n’existent plus en tant que tels – fusionnant avec la DST pour former la colossale DCRI – direction centrale du renseignement intérieur. Gageons que les esthètes du fichage sauront y affiner leur art. Réforme qui paraissait bien nécessaire si l'on en croit ce reportage :


       

    A suivre...   

          Saladin Sane

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