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Saladin Sane
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10 septembre 2009

Journée du suicide - le jeunisme tue!

J'ai reçu la vie comme une blessure et j'ai défendu au suicide de guérir la cicatrice.                    Lautréamont - Les chants de Maldoror.

L’OMS nous offre ce jeudi 10 septembre l’une de ces réjouissantes journées mondiales dont elle a le secret. Après la tuberculose (24 mars) ou les hépatites (19 mai) et en attendant Alzheimer (21 septembre) ou le sida (1e décembre), l’organisation mondiale de la santé nous sensibilise au risque suicidaire.

 On découvre d’abord la statistique qui tue : il y a dans le monde 3000 suicides par jour, soit un toutes les trente secondes. Mais les disparités d’une région à l’autre sont énormes, et privilégient nettement les pays industrialisés.

   Petit panorama mondial du suicide

Pour résumer, arrivent en tête la Russie et les pays d’Europe centrale. La fin de l’URSS a bien entendu joué un rôle, mais la tradition suicidaire de pays tels l’Autriche ou la Hongrie date au moins du XIXe siècle. Beaucoup ont glosé sur le terreau romantique de la patrie de Sigmund Freud et son rôle dans l’émergence de la psychanalyse…

 Puis viennent les pays de l’Union Européenne. D’abord le nord, avec la Finlande et le Danemark, puis le Luxembourg, la Suisse, la Belgique et la France, dont les taux semblent proches de la Chine. L’hexagone est donc dans le peloton de tête, avec 12000 suicidés par an, pour 160000 tentatives – mais reste deux fois moins touchée que la Russie. Arrivent ensuite des pays comme l’Allemagne, le Japon… et les Etats-Unis, qui, s’ils se distinguent au niveau des homicides, sont environ 1,7 fois moins concernés par le suicide que les Français ! Bien en dessous il y a les pays méditerranéens et d’Amérique (centrale et du sud). Koweït, Mexique et Colombie sont les trois pays où l’on se suicide le moins.  

   Les affres de la solitude

Les facteurs explicatifs sont évidemment nombreux, et d’ordre climatique, économique, sociologique et religieux… sans oublier l’imprécision statistique due aux cas limites (accidents ou suicide ?) et à la dissimulation (à ce titre, les organisations sanitaires considèrent que le suicide est en France minoré d’environ 20%). 

Au niveau économique, la France connaît un pic de suicide en 76 (après les krachs pétroliers) et en 93 (récession). Quid de la crise actuelle ?

 La fameuse étude de Durkheim (1897) fait encore autorité aujourd’hui : si le suicide est rare dans les sociétés agraires traditionnelles, il se développe avec l’industrialisation. L’accélération du progrès amène la perte des repères et le risque de se retrouver isolé, ce que le sociologue nomme suicide anomique. Durkheim établit statistiquement que les célibataires et les sans-emploi sont les plus vulnérables, et que le suicide augmente avec l’âge.

  C’est le cas de la population française. Puis le taux décroît à partir de 43 ans pour reprendre de plus belle à 70. Embellie du quadragénaire qui se débarrasse de ses enfants ( à l’exception du phénomène Tanguy, en recrudescence…) et du conjoint de longue date ? Age idéal, celui du compromis entre l’expérience et la santé ? A 70 ans le taux de suicide remonte en flèche – à 95 il devient dix fois supérieur à celui du reste de la population.

 Le jeunisme tue

 Le problème du vieillissement devient d’autant plus cruel dans une société adepte de jeunisme. C’est par exemple l’un des grands thèmes de La possibilité d’une île. Dans son roman, Houellebecq décrit l’inhumanité des maisons de retraite ainsi que la superficialité des revues féminines qui participe du même phénomène, celui de l’émergence d’ « une humanité factice, frivole, qui ne sera plus jamais accessible au sérieux ou à l’humour, qui vivra jusqu’à sa mort dans une quête de plus en plus désespérée du fun et du sexe ; une génération de kids définitifs. » Ma chronique du roman visible ICI.

 Le tableau devient somptueux pour peu qu’on y mêle des considérations démographiques. Car nous savons tous à quel point notre société est vieillissante. Dans l’Europe de 2050, les plus de 55 ans seront majoritaires – nous en serons. Quid des estimations du taux de suicide et de la presse féminine ? Assistera-t-on à une esthétisation progressive du matériel médical, qui deviendrait objet de mode à part entière (crachoir tendance, canne profilée, everstyl version glamour…) ? Aux attentats contre les défilés de modes traditionnels par des kamikazes en fauteuil roulant ?

  Des raisons d'espérer - des amis par milliers

 Mais gardons-nous d’une vision trop pessimiste. Une société de vieux a toutes les chances de redonner au vieux ses lettres de noblesse. Et puis le progrès est en route, scientifique, génétique et peut-être surtout… informatique. Car si l’isolement, on l’a compris, est une grande cause de suicide, l’émergence des réseaux sociaux tels myspace, facebook et autres twitter sonnera peut-être définitivement le glas de la solitude.

  Alors la prochaine fois que vous aurez une demande d’amitié d’un inconnu sur Myspace ou Facebook que vous serez tenté de refuser, dites-vous qu’il s’agit peut-être d’un solitaire, vieux ou non. L’accepter, lui faire partager les moindres détails de votre vie quotidienne (humeur,dernier film vu, heure d'achat du pain...) lui donnera l’impression d’être moins seul. Regarder vos photos de soirées alors qu'il est déprimé devant son ordinateur lui mettra sûrement du baume au cœur, un peu comme s’il avait été invité… non?

 Et que ceux qui peinent à créer leur réseau se rassurent, La société uSocial vous permet d’acheter des amis sur Facebook…

  Matthieu, Seb, mes amis toulousains et rouennais trop tôt disparus - une pensée pour vous.

   Saladin Sane

 

 

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Commentaires
L
J'ai beaucoup aprecié cette lecture et, venant de la Colombie, médecin en France, aux Urgences et en maison de retraite, je considère que mon avis sur le sujet peut être . Je voudrais en discuter face á une petite bière bien fraîche.
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