Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Saladin Sane
Saladin Sane
Saladin Sane
6 mai 2009

FESTIVAL COURTIVORE - NOSTALGIE ET PRISON AMOUREUSE

14 mai 2008, Mt St Aignan, place Colbert. Si, accessoirement, nous jouxtons la majorité des facultés de cette université qu’on dit « de Rouen », nous sommes surtout sur l’un des hauts lieux du court-métrage que célèbre en ce jour le festival Courtivore.C’est en compagnie de mon cher Zaaka, célébrissime Narrateur-Fécal de l’underground rouennais, que je découvre cette manifestation du cinéma Ariel.

Le courtivore c’est une organisation sans failles où accueil chaleureux, buffet et accessoires (lunettes 3D pour l’édition 2008, en attendant l’odorama ?) nous mettent d’abord sur nos gardes : tant de gentilles attentions ne sont-elles pas de nature à attirer le chaland en masquant d’insipides courts-métrages dont la brièveté deviendrait du coup la non négligeable et principale qualité ?

Répondre dès maintenant à cette question serait à la fois sacrifier au suspense (stimulant principal d’un lectorat parfois paresseux) et au plus élémentaire des principes académiques : attendre la sacro-sainte conclusion, couronnement d’une argumentation solide, le plus souvent construite autour d’un plan en trois parties. Notre cadre étant celui de la ville universitaire qu’est Mt st Aignan et de son festival peuplé de nombre d’étudiants, je me vois difficilement déroger à cette règle que je respecterai avec zèle.

Si en ce 14 mai 2008 le fait de retourner sur la Fac nous fait forcément songer, à  Zaaka et moi, à nos riches et joyeuses années universitaires qu’un format encyclopédique ne résumerait qu’à grand peine, nous ne sommes encore qu’au début / de nos réminiscences émues : la nostalgie de l’enfance est en effet l’un des grands thèmes du Courtivore 2008.

DE LA NOSTALGIE DES HEROS EN PERIODE ECOLO-DROITIERE

Il y a d’abord cette guerre des jouets autour des bijoux d’un appartement. Après le vol de ces derniers, les jouets-justiciers - à la tête desquels Spiderman – affrontent les super-vilains dans une réalisation à la 24h chrono – compte à rebours et écran splitté où se côtoient  Jack Bauer et homme-araignée. 

Puis c’est la nostalgie rétrospective d’une époque où l’obsession écolo n’était pas encore notre lot quotidien : histoire futuriste où l’eau s’est raréfiée, monde caniculaire où on recycle pisse et sueur d' aisselles. Un salaud craque et se fait un bain. Heureusement les dénonciateurs veillent au grain et le criminel est promptement et virilement corrigé par les sbires de la brigade anti-gaspi, tandis que notre cafteur est remercié d’une bouteille d’eau, qu’il ajoute aux dizaines d’autres qui peuplent son frigo.

Dernière nostalgie, celle des manifs. Fût une époque où les manifs c’était du bon vieux rassemblement de gauche, de la contestation, des citoyens revendiquant une société plus juste. Mais l’avenir n’est pas plus à la profusion de l’eau qu’à celle de la réforme. En témoigne cette manifestation droitière franchement comique – qui prend une saveur particulière en ces temps agités… Bravo ! 

Si l’époque est à la nostalgie, heureusement reste… l’amour. Cruelle moquerie me direz-vous, car n’est-ce pas, plus que tout autre, le moteur des élans nostalgiques ? Détrompez-vous ! L’amour ici décrit est celui du droit de cuissage, du meurtre et de la gerbe – vomie plutôt que florale.

L ECOEUREMENT AMOUREUX – GERBE, BONDAGE ET HEMOGLOBINE

C’est d’abord un joli tête-à-tête, dîner romantique où l’on déguste du poisson en bord de mer. Arrive un moment où le silence s’impose et où chacun rêve dans son coin. Mariage et enfant pour l’homme ? Fantasmes d’une fornication brutale à même les galets pour la femme ? Rien de tout ça : les songes du couple sont d’ambiance bizarroïde, autant que peuvent l’être des galets en chewing-gum qu’on fait ricocher sur l’eau. Mais est-ce vraiment un rêve ? C’est soudain le poisson dégusté qui regorge de bubble-gum, fait roter des bulles et vomir tout rose nos amoureux qui finissent par s’écrouler en d’horribles spasmes - témoignage somatique de ces mièvreries cul-cul qui mènent à l’overdose ?

Puis vient l’histoire d’un standardiste qu’un client, au téléphone, prend pour une femme.La confusion s’installe et le standardiste reçoit bientôt son premier cadeau, mesurant les avantages d’une voix fémininement sexy. Il joue le jeu et se retrouve submergé de fleurs et de bijoux… qu’il offre à sa copine, se gardant bien de dévoiler le pot aux roses. Mais le client transi annonce bientôt au standardiste qu’il va venir « la » rencontrer. Panique. Reste à se cacher. Erreur… et drame final.

Terminons sur les violences de l’amour par l’histoire d’un groupe musical qui se fait vanner par un producteur, genre vous êtes de bonnes grosses merdes et vous me faites perdre mon temps. Le producteur aime pas perdre son temps. Alors il y va pas par quatre chemins pour rencarder, seule, la fille du groupe, à laquelle il propose de lancer sa carrière si elle se débarrasse de ses pitoyables comparses à la féminité plus aléatoire. Peu tolérante envers le machiavélisme qu’impose, de tous temps, la compétition sexuelle, la chanteuse s’insurge. Le producteur se retrouve ligoté et filmé tandis qu’il rend hommage à ses nouveaux amis.    

Si la nostalgie nous fait vivre le présent comme une prison et que l’amour lui-même n’est pas sans séquestrer nos cœurs, autant finir par l’essentiel : l’enfermement – avec ou sans barreaux.

SORTIES DE PRISON ? TRACTEUR ET HALLUCINOGENE

Avec barreaux pour commencer. Un prisonnier reçoit une revue. Dans ces conditions de privation l’homme en revient à l’essentiel : le cul. Il s’agit donc d’un magazine peu avare en photos de donzelles à l’habit léger. Solidarité oblige, le mag passe de cellule en cellule, à ceci près que chaque prisonnier arrache une page avant de le passer au suivant. En bout de chaîne, ne reste plus au pauvre malheureux qu’une photo de… tracteur. Un célèbre roman de Ballard adapté par Cronenberg, Crash, évoque l’excitation sexuelle provoquée par la tôle froissée des voitures. Plus basiquement, chacun connaît le symbolisme phallique des belles cylindrées – ah la décapotable et sa jolie blonde… Il n’est donc pas interdit de penser que le tracteur, puissant et massif, symbole d’une nature foisonnante qu’on maîtrise au rythme de roues énormes et de rugissements féroces, contienne quelques vertus promptes à agrémenter l’imaginaire masturbatoire des détenus.   

S’ensuit la sortie de prison d’un mec qui retrouve sa copine pour la permission du nouvel an. Il se retrouve malencontreusement coincé dans l’ascenseur pour la nuit, contemplant sa belle à travers les barreaux stylés d’un immeuble rupin. Le dépanneur n’arrive qu’au petit matin… lui montrant qu’il aurait pu sortir tout seul pour peu qu’il eu appuyé sur le loquet. Une fois délivré, reste le retour au mitard de celui dont les gardiens peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

Et le clou final, mon coup de cœur, le meilleur pour la fin, l’ultime chef d’œuvre à l’esthétique anguleuse et cauchemardesque – qui sera d’ailleurs primé aux festival d’Hiroshima, de Barcelone et de… Mt St Aignan, puisqu’obtenant le premier prix du courtivore 2008, j’ai nommé LA FELURE – film d’animation d’Alexis DUCORD et Nicolas PAWLOWSKI (studio « je suis bien content ») et que je vous recommande vivement de contempler sur le site felures.free.fr

Il s’agit d’un vieillard tripant sur le jeu d’ombres qu’un réverbère, chaque soir, amène en projetant sa lumière sur le tournesol en pot de son appartement. Jusqu’au moment où cette distraction favorite ne satisfait plus notre homme, qui s’acharne à changer la plante de place afin de retrouver l’ombre qu’il préfère.C’est là que tout commence à déconner – musique stridente qui s’accélère vers un cauchemar arachnéen – sorte de psychose d’un vieillard solitaire combinant la démence d’Alzheimer à celle des hallucinogènes. Du grand art !

Une conclusion ? Il fallait espérer que la neuvième édition du courtivore – en cette année 2009 – soit suivie de beaucoup d’autres. Comment, d’ailleurs, ne pas être alléché par le nouveau programme ?  Vous attendent : examen gynécologique d’un garçon, usines d’automates, voyages spirituels… et ce titre alléchant qui rappelle autant une citation de Victor Hugo (l’âme est le seul oiseau qui soutienne sa cage) que la sempiternelle obsession carcérale de nos hauts-normands : « l’homme est le seul oiseau qui porte sa cage »…

     SALADIN SANE

Publicité
Commentaires
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité